
Les Gabonais en âge de voter éliront, le 12 avril prochain, leur nouveau président de la République. Sur les 23 dossiers de candidatures déposés, le Conseil constitutionnel n'en a retenu que quatre, dont celui du président de la transition militaire, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, et de l'ancien Premier ministre Alain-Claude Bilie By Nze, considéré comme le seul challenger sérieux.
À travers l'interview menée par Eric Topona, celui qui était le dernier Premier ministre sous la présidence d’Ali Bongo Ondimba (du 9 janvier au 30 août 2023), évoque dans un premier temps les motifs de son entrée en campagne, puis expose également ses perspectives pour le développement du Gabon. Entretien.
Alain-Claude Bilie By Nze:
Aujourd'hui, mon pays est au carrefour du chemin avec des militaires ayant pris le contrôle, ceux-là mêmes qui avaient juré de le restituer aux mains civiles mais ont fini par briser leur serment. Parallèlement, il y a cette envie profonde de permettre à notre nation de prospérer.
Je suis convaincu qu'en raison de mes expériences passées et de ma trajectoire personnelle, je possède non seulement les compétences nécessaires, mais aussi une perspective novatrice en rupture totale avec nos anciennes pratiques afin de construire un Gabon modernisé, renouvelé et absolument autonome.
PW : Malgré cela, nombreux sont ceux qui critiquent votre rôle au sein du gouvernement en tant qu’ancien ministre sous différents mandats, ainsi que celui de dernier Premier ministre nommé par l'ex-président Ali Bongo Ondimba. Ne seriez-vous donc pas également responsable des actions controversées de son administration ?
Alain-Claude Bilie By Nze: Tout le monde est comptable en commençant par Brice Clotaire Oligui Nguemaqui a été le commandant en chef de la Garde républicaine (GR) et qui a été aidé de camp d'Omar Bongo et qui a participé à la gestion de l'État.
Je ne suis comptable que de ce que j'ai géré et je n'ai pas été président de la République gabonaise. J'ai été ministre comme d'autres ministres, comme certains ministres qui sont dans son gouvernement (Brice Clotaire Oligui Nguema, ndlr).
J'ai été Premier ministre pendant sept mois comme certains dans son gouvernement qui sont Premiers ministre. Je ne vois pas en quoi je serai plus responsable qu'eux.
DW: Dites-nous, Alain-Claude Bilie By Nze, qu'est-ce qui vous différencie des autres candidats à la présidentielle du 12 avril prochain ?
Alain-Claude Bilie By Nze: Ce qui me différencie, c'est mon parcours, mon histoire, ma vie. Ce qui me différencie aussi, c'est que j'ai une expérience de l'action gouvernementale, en national comme au niveau international. Je suis soutenu aujourd'hui par un groupe d'hommes et de femmes, de plusieurs partis politiques, associations des jeunes, des femmes.
Je porte un projet de rupture radicale, je porte un projet de réorganisation des finances publiques, je porte un projet pour offrir à la jeunesse gabonaise des opportunités d'emploi, une chance pour se réaliser, s'épanouir pleinement dans leur pays.
Je porte le projet d'en finir avec le cordon ombilical avec la puissance coloniale (la France, ndlr) sans le revoir, sans pour autant tomber dans le bras d'un autre colon.
Il est totalement différent de ce que les autres proposent: la restauration. Ça veut dire retour vers le passé.
DW: Pensez-vous que les conditions d'organisation de cette élection présidentielle du 12 avril 2025 sont optimales ?
Alain-Claude Bilie By Nze: Non, ce n'est pas le cas. Cependant, cela ne signifie pas qu'il fallait permettre à un général d'utiliser cette situation pour éviter une quelconque campagne politique. Ces mesures ne sont peut-être pas idéales. Pourtant, les Gabonais doivent agir. S'abstenir servira uniquement ceux qui détiennent déjà le pouvoir ; ils méritent des sanctions.
DW: Monsieur le Premier ministre, le 10 mars dernier, dans une déclaration à la presse, vous aviez réclamé la tenue d'un procès pour l'épouse et le fils de l'ancien président Ali Bongo Ondimba, qui ont été arrêtés après le coup d'État du 30 avril 2023. Est-ce que ce n'est pas pour des fins ou à des fins électoralistes ?
Alain-Claude Bilie By Nze: Mais pas seulement la femme d'Ali Bongo et son fils. Toutes les personnes qui ont été incarcérées après le 30 août, doivent maintenant passer en procès.
Cela fait déjà 18 mois. Personnellement, je ne mène pas campagne pour ou contre qui que ce soit ; mon combat est pour un État basé sur le respect du droit. Un tel État signifie qu’on n’emprisonne personne sans procès équitable. Le respect du droit implique également une justice forte et indépendante. En outre, dans cet état d'esprit, il serait injuste que l'État use sa puissance à des fins de vengeance personnelle.
Ce procès va aider les Gabonais à connaître la vérité sur les événements survenus dans leur pays, depuis l'attaque vasculaire cérébrale d'Ali Bongo en octobre 2018 jusqu'au putsch du 30 août 2023. Il est crucial que les citoyens gabonnais soient informés des faits exacts.
DW : Comment se situent exactement vos relations avec l'ancien président Ali Bongo Ondimba ? Le rencontrez-vous régulièrement ?
Alain-Claude Bilie By Nze : Je l'ai croisé occasionnellement par le passé. Cependant, ce jour-là, j'ai décidé de prendre mes distances complètement et de lui exprimer mon opinion clairement ; ainsi, je ne me positionne pas comme le porte-parole d'Ali BONGO lors de cetteélection. Je suis Alain-Claude Bilie By Nze : détenteur d'un projet distinct et indépendant pour la nation gabonaise. Je ne prétends pas être sa continuation, car il existe bel et bien des successeurs.
Auteur: Eric Topona